Édito

L’Europe laisse toujours mourir en mer

L’Europe laisse toujours mourir en mer
Mardi dernier, une opération de sauvetage de l'Ocean Viking a été perturbée par l’intervention brutale d’hommes armés et cagoulés venus de Libye. KEYSTONE
Migration

Chaque année, l’été entraîne de nombreux vacanciers sur la route de la Méditerranée depuis le Nord de l’Europe et un mouvement inverse: une augmentation des départs périlleux de migrant·es sur la grande bleue depuis la Turquie, le Maghreb et l’Egypte principalement.

Samedi, le navire humanitaire Ocean Viking, affrété par SOS Méditerranée, a secouru et ramené sur la terre ferme 261 personnes, dont 50 mineur·es. «Certaines d’entre elles ont passé trois jours en mer sans eau, ni nourriture sous une chaleur extrême», raconte l’ONG. Une de ses opérations de sauvetage a été perturbée par l’intervention brutale d’hommes armés et cagoulés venus de Libye, qui s’apprêtaient vraisemblablement à ramener manu militari ces malheureux·ses sur la côte africaine. Les exilé·es ont préféré sauter de leur frêle esquif en mer plutôt que de devoir revenir en arrière, soumis·es aux mauvais traitements, allant jusqu’à la torture et au rançonnement, des milices libyennes.

Qui sont ces hommes? Quels liens entretiennent-ils avec les garde-côtes libyens financés par l’Union européenne pour retenir les exilé·es, quitte à les maintenir dans des camps de détention insalubres ou à les abandonner dans le désert? L’opacité est la règle en Méditerranée, zone de non droit de facto, où les Etats européens laissent mourir des milliers de naufragé·es, chaque année, depuis l’abandon de l’opération Mare Nostrum en novembre 2014.

Depuis, c’est l’hécatombe: on dénombre quelque 30’000 morts en Méditerranée et le bilan pourrait être beaucoup plus lourd puisqu’il ne s’agit que des cas recensés. Seules les ONG, comme SOS Méditerranée, Médecins Sans Frontières et Sea-Eye, limitent le nombre des victimes et sauvent le peu d’honneur qu’il nous reste. Mais même là, les Etats, Italie en tête, continuent à leur mettre des bâtons dans les roues par toutes sortes de tracasseries réglementaires: par exemple, le fait de devoir déposer les rescapé·es dans des ports très éloignés, faisant perdre de précieuses journées de sauvetage.

Au-delà du secours en mer, essentiel, c’est à une refonte des politiques migratoires européennes qu’il faut s’atteler pour mettre fin à la tragédie en cours. Faciliter la mise en place d’itinéraires plus sûrs, le dépôt de demandes d’asile et un accueil digne est urgent. Tout le contraire de ce qui se fait actuellement avec le «pacte sur la migration et l’asile» adopté par le Parlement européen en avril dernier. Non, la barque n’est pas pleine, elle est percée!

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